La question des réparations coloniales prend une place centrale dans l’agenda politique africain pour 2025, portée par des pays comme le Ghana et l’Algérie et soutenue par un large consensus au sein de l’Union Africaine. Ce mouvement, motivé par une dynamique panafricaine, vise à redéfinir les relations entre l’Afrique et ses anciennes puissances coloniales. Lors d’une récente intervention sur Afrique Média, Abdoulaye Mbow, analyste politique et journaliste, a analysé les enjeux de ces réparations et leur impact sur la souveraineté africaine.
Selon Abdoulaye Mbow, obtenir des réparations ne se limite pas à une compensation financière mais constitue une reconnaissance des préjudices subis pendant la colonisation, l’esclavage et la phase néocoloniale. L’expert estime que cette reconnaissance marquerait « une prise en compte d’une certaine liberté acquise », contribuant ainsi à une indépendance intellectuelle et à une nouvelle perception collective du continent.
Cependant, Mbow souligne les obstacles persistants : « L’Afrique est toujours perçue autrement, nous n’arrivons pas à prendre en compte véritablement notre avenir, notre indépendance et notre souveraineté. » Il insiste sur l’importance de l’autodétermination et d’une synergie entre le continent et sa diaspora pour mener ce combat.
Pour lui, au-delà des discours, l’Afrique doit imposer sa voix et structurer sa communication afin que cette revendication ne repose pas uniquement sur les dirigeants politiques mais implique aussi les intellectuels, les organisations et les collectifs engagés : « Nous devons former un véritable groupe et structurer notre communication de manière stratégique pour dire ‘oui, c’est l’Afrique qui parle, nous portons la voix de l’Afrique’. »
Un rôle à redéfinir pour les organisations régionales
Abdoulaye Mbow a également abordé le rôle des organisations régionales dans cette lutte pour la justice historique. Il appelle à une refonte de ces institutions pour leur donner un véritable ancrage africain : « Il faut que nous allions dans le sens de donner un autre contenu à ces organisations. L’Union Africaine existe, mais que réussit-elle fondamentalement? »
L’analyste pointe du doigt l’influence occidentale persistante au sein de structures comme la CEDEAO et l’Union Africaine, où des puissances étrangères disposent encore d’un pouvoir décisionnel. Pour lui, l’Afrique doit déconstruire ce complexe de dépendance et proposer des solutions alternatives entre Africains, sans ingérence extérieure.
«Il est impensable que l’on puisse trouver une organisation africaine qui siège au sein de l’Union Européenne, alors que nos propres organisations intègrent des représentants occidentaux », souligne-t-il, appelant à une réappropriation institutionnelle pour défendre efficacement la cause des réparations.
Une dynamique panafricaine en marche
La revendication des réparations s’inscrit dans une dynamique plus large de reconquête de la souveraineté africaine. Lors d’une conférence récente à Dakar, des leaders panafricanistes ont rappelé l’urgence d’exiger des réparations estimées à 50 000 milliards d’euros pour compenser les injustices historiques et garantir un avenir sans ingérence étrangère.
Selon plusieurs analystes, l’Afrique est désormais en position de force pour exiger justice, malgré la réticence de certaines puissances européennes. Pour Abdoulaye Mbow, la bataille des réparations ne se limite pas à une demande économique : elle constitue un combat pour la dignité et l’autodétermination du continent.
L’Afrique ne réclame pas seulement des réparations elle revendique son avenir et impose désormais ses propres règles.